Portugais

Stage au Brésil - Raconté par Jean-Marie Puyau

Si ce rapport de stage... / ... ne vous donne pas envie de vous inscrire au prochain...

mardi, 24 octobre 2006

http://portugais.ac-amiens.fr/182-stage-au-bresil-raconte-par-jean-marie-puyau.html

L’ADEPBA nous informe...

STAGE DE PERFECTIONNEMENT LINGUISTIQUE ET CULTUREL AU BRÉSIL - N°601

STAGIAIRES :

ETAPES : Du 2 au 22 août 2006
- Rio de Janeiro ,
- Foz - do - Iguaçu ,
- Salvador da Bahia ,
- Brasilia

Par Jean-Marie Puyau (professeur de portugais et stagiaire)

Au soir du 2 août, à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, nous sommes quelques 14 stagiaires, la mine réjouie, enseignants de portugais en France métropolitaine ou en Guyane, sous la houlette de M Perez, Inspecteur Général, nous embarquons allègrement dans un 747 à destination de Rio de Janeiro. Pour certains, il s’agit du premier vol outre-Atlantique, pour tous ce sont trois semaines de découvertes ou redécouvertes de quatre sites indispensables de ce Brésil démesuré. Plus que toute autre langue, le portugais est en lui-même un appel au voyage et à l’aventure, durant trois semaines, nous serons comblés...

Ça y est, nous y sommes, c’est le petit matin et Rio nous accueille sous quelques gouttes de pluie. Edson, notre guide, nous plonge aussitôt dans l’univers carioque... Belle langue emphatique, énergique, joyeuse, conviviale et même complice. On jubile alors, oubliant une fatigue qui n’a pas de place dans ce décor mythique et cette ambiance festive. Et le mythe de RIO résiste étonnamment bien à l’épreuve de la réalité, le temps gris et pluvieux n’y peut rien, Copacabana séduit et envoûte, c’est invisible, c’est dans la brise marine, dans l’océan... Les yeux ne sont pas assez grands pour tout voir, tout de suite !
Tout de suite ? Absolument, le stage a déjà commencé et dès 10H30, nous pénétrons dans les locaux de TV Escola, une jeune et dynamique équipe lancée dans la production et la diffusion d’émissions scolaires pour tout le Brésil.
Et c’est sur ce rythme vivifiant que, durant tout notre séjour carioque, nous avons assisté à diverses conférences, nous avons été reçus par les autorités consulaires, nous avons rencontré les professeurs de portugais ainsi que les responsables du lycée Molière, lycée français de RIO, sans oublier bien évidemment les incontournables, les indispensables même, qui ont fait et font toujours la réputation méritée de la « ville merveilleuse », le Corcovado, le Pain de Sucre, les plages de Copacabana, Arpoador, Ipanema, Leblon, São Conrado... Nous avons même dîné au bar-restaurant « Garota de Ipanema », rue Vinícius de Moraes, ancien bar « Veloso » d’où les deux comparses les plus célèbres de la MPB et de la Bossa Nova en particulier, Tom et Vinícius, tout en sirotant leur « cervejinha », regardaient passer leur muse, Heloisa Pinheiro, la non moins fameuse « Moça » dont le « corpo dourado do sol de Ipanema » lui aura effectivement rapporté de l’or !

Au milieu de tout ce tourbillon carioque, coloré et charmeur, dans le gigantesque quartier neuf appelé « Jacarepaguá », nous aurons même eu l’honneur de pénétrer dans le « Projac », nom abrégé des immenses locaux, de ce que les journalistes appellent « la tout puissante TV Globo », championne du monde exportatrice de la « série télé », la France étant d’ailleurs un des rares pays à ne pas succomber à la déferlante des « telenovelas », ce n’est sans doute pas assez nord-américain pour nos médias ! Nous avons découvert une véritable ville, avec son service de bus, ses décors extérieurs, ses réserves de costumes infinies, ses innombrables studios, ses ateliers, ses hangars... Une industrie organisée et efficace qui fait rêver, qui passionnent mais également qui éduque dans une certaine mesure les Brésiliens.

Une découverte socio-culturelle...

Loin des sophistications rythmiques de la sublime Bossa Nova, loin de l’Avenida Atlântica et du fin sable blanc, nous avons découvert le temps d’une soirée, le « Centro Luiz Gonzaga de Tradições Nordestinas », connu sous le nom de « Feira de São Cristóvão » ou « Feira Nordestina » (http://www.feiradesaocristovao.com.br/). C’est une sorte de foire exposition permanente, centre commercial en plein air, pôle de diffusion de la culture nordestine avec ses couleurs, ses saveurs et ses sons. Le trio artisanat-restauration-forró attire chaque semaine près de 60 000 personnes.

La présence culturelle du Nordeste est manifeste dans l’ensemble du Brésil, que l’on songe seulement au film « Saudade do Futuro » qui dépeint sous la forme d’un reportage les Nordestins de São Paulo, leurs communautés et leurs modes d’expression publics, et à cette foire nordestine permanente à Rio. Edson, notre guide carioque nous a d’ailleurs, dès le premier jour, mis dans l’ambiance en nous faisant écouter en boucle un CD de forró.

Le Nordeste semble devenir le symbole d’une ruralité assez lointaine dans ce Brésil urbain à 84%. C’est ainsi que « cordelistas » et surtout « repentistas », sortes de chansonniers réellement populaires, se produisent un peu partout.

Foz do Iguaçu dans l’État du Paraná.

Petit pincement au cœur en quittant la douceur atlantique de la baie de Guanabara mais nous sommes attendus aux confins du Brésil, de l’Argentine et du Paraguay. Ciel lumineux, vent chaud et sec nous accueillent à l’aéroport avec Sílvio, notre guide « paranaense », aussi souriant que zen, et c’est plutôt agréable. L’originalité de notre séjour à Foz do Iguaçu, ville de plus de 300 000 habitants, réside dans son mode d’accueil. Ce sont les familles liées à l’association culturelle franco-brésilienne, qui dispense notamment des cours de français, animée par Nathalie Husson, qui nous reçoivent. Heureuse initiative en dépit de notre appréhension à quitter notre groupe très convivial, nous approchons ainsi de plus en plus près de la réalité brésilienne, et c’est bien là le but du stage. Outre la qualité des échanges humains, partager le quotidien d’une famille brésilienne a été riche d’enseignements sur leurs comportement, leur mode de vie...

Le Paraná possède déjà certains traits gauchos, le maté, sous diverses variétés, est vendu en paquets d’un kg dans les supermarchés, c’est là-bas un produit de consommation courante nullement folklorique, l’accent brésilien se teinte ici de faux airs texans avec ses « r » entravés presque rétroflexes, c’est aussi le second État producteur de soja, juste derrière le Mato Grosso, et ça se voit ! À deux reprises nous avons pu nous le constater. À l’issue d’une rencontre avec des professeurs de Foz do Iguaçu, le cuisinier responsable de la production du « Centro de Produção de Alimentos da Prefeitura Municipal de Foz do Iguaçu » nous a présenté et fait déguster quelques excellents produits à base de soja (« lait » de soja aromatisé, crèmes desserts, confitures, mayonnaise, aïoli, pain grillé, pain...) et bien entendu lors de la passionnante visite du centre de production municipal cité plus haut. Ce centre produit essentiellement de petits berlingots de « lait » de soja sucré et des pains, contenant au maximum 30% de farine de soja. Ces produits sont distribués gratuitement aux scolaires de la ville ainsi qu’aux familles à faibles revenus.
Poursuivant le rythme de RIO, les visites se sont rapidement succédé. Une école, dont les locaux sont aussi utilisés pour des activités éducatives et culturelles extrascolaires et ce, jusqu’au soir, une annexe d’Université dépendant de la centrale hydroélectrique binationale d’Itaipu, centrale gigantesque que nous avons pu visiter, une conférence sur l’histoire de Foz do Iguaçu et bien évidemment, les célébrissimes chutes d’Iguaçu, côté Brésil et côté Argentine, qui étaient cette année « dépourvues » d’eau. Le spectacle n’en a pas été moins fabuleux. L’observation de la faune et de la flore aura réjoui les amateurs de belles photos... Nous avons pu admirer quantité de papillons comme le fameux « Oitenta e Oito » dont les dessins des ailes représentent un « 88 », sans oublier quelques « gralhas » jaune, noir et bleu, un « jacaré » argentin, l’œil torve, attendant impassible le malheureux imprudent et les très familiers coatis, charmants fouineurs, queue rayée dressée comme des antennes, museau allongé humant quelque succulent reste touristique...

Salvador dans l’État de Bahia.

Poursuivant notre mouvement de balancier qui nous mène du littoral vers l’intérieur et de l’intérieur vers le littoral, nous embarquons dans un A 320 de la TAM pour Salvador da Bahia, première capitale du Brésil. Son titre de capitale, elle le garde dans bien des domaines, c’est la capitale du Brésil africain, celle de la capoeira et du berimbau, du candomblé avec ses terreiros et son panthéon afro-brésilien, c’est un peu la capitale de la littérature de fiction avec Jorge Amado qui n’a été dépassé en nombre de livres vendus que par le phénomène Paulo Coelho, c’est en tous les cas la capitale de la musique, avec son médiatique ministre troubadour, Gilberto Gil, sans oublier Dorival Caymmi, Riachão, João Gilberto, Caetano Veloso, Maria Bethânia, Gal Costa, Carlinhos Brown, Virgínia Rodrigues, Daniela Mercury...

Séverine Arnaud, Attachée de Coopération pour le Français, nous a concocté le programme bahianais qui suit. La visite du centre historique colonial s’imposait, sans nul doute, même si son caractère touristique affirmé lui enlève un peu de son authenticité. Le fameux « Largo do Pelourinho » qui donne finalement son nom à tout le quartier, vaut vraiment le détour dans les rues tortueuses et pavées à l’ancienne. Il est dominé par une splendide maison bleue, c’est la « Fundação casa de Jorge Amado » où Myriam Fraga nous a accueillis pour une visite et une conférence sur les traces du romancier bahianais.
Ce séjour à Salvador nous a permis de visiter le musée d’art afro-brésilien, le musée d’art sacré, nous aurons également pu visiter Cachoeira, petite ville située de l’autre côté de la baie de tous les saints, à l’occasion de la fête votive de Nossa Senhora da Boa Morte. À deux pas de là, de l’autre côté du fleuve Paraguaçu, se trouve São Félix où nous avons découvert le centre culturel Dannemann qui abrite la fabrique de cigares du même nom. Ce sont exclusivement des femmes, les cigarières, qui confectionnent avec le plus grand soin, selon des techniques rigoureuses une grande variété de cigares. De retour à Salvador nous avons été reçus à l’Académie des Lettres, dans un décor historique plein de charme désuet, ainsi qu’à l’Alliance Française. Au cours d’une soirée, nous avons eu le plaisir d’assister à une représentation de l’époustouflant ballet folklorique bahianais « Balé Folklórico da Bahia » qui retrace l’histoire dansée des peuples de Salvador et présente les orixás avec une grande force d’expression et une remarquable agilité esthétique. La visite du « Projeto Tamar », centre écologique d’études et de protection des tortues marines, à Praia do Forte, sur la côte, au nord de Salvador, illustre parfaitement les efforts que les Brésiliens font pour respecter et préserver l’environnement, à commencer par le tri sélectif des déchets dans trois ou quatre poubelles différentes, aux couleurs prédéfinies et ce dans tous les lieux publics, entreprises, écoles... Nous avons expérimenté une des sorties dominicales typiquement brésilienne qui consiste à visiter en bateau la fameuse « Baía de Todos os Santos » en faisant deux longues haltes dans les îles dos Frades et de Itaparica.

Un seul petit regret de pèlerin culturel, ne pas avoir vu les lieux tant chantés comme Itapoã et ses « coqueiros » de Dorival Caymmi ou sa « cachaça de rolha » de Vinícius de Moraes et Toquinho, tout comme « Nosso Senhor do Bonfim » ou la « Baixa do Sapateiro » de Ary Barroso. Pour nous consoler, nous avons pu admirer la « morena mais frajola da Bahia » et déguster la fameuse « cachaça » avec certes bien davantage de modération que l’illustre poète-diplomate. Le moment de pédagogie pure nous a été réservé au lycée Serravalle où de sympathiques collègues brésiliens nous ont présenté leur établissement avec lequel une des stagiaires, professeur d’un lycée du Val de Marne, entretient des échanges réguliers. Deux conférences, l’une sur la situation économique de l’État de Bahia, l’autre sur la littérature de cordel et le jeu d’échecs, admirablement illustrée par un excellent « cordelista », ont brillamment achevé notre tour au pays des dieux afro-brésiliens, objets de dévotion bien vivante, nullement folklorique, comme nous avons pu le vérifier en visitant un « terreiro », à la fois lieu de culte et institution religieuse afro-brésilienne.

Brasília dans le Domaine Fédéral.

Achevant notre mouvement de balancier vers l’intérieur, nous passons de la première capitale à la dernière. Joli contraste assurément entre le baroque colonial coloré et l’architecture résolument moderne, entre la côte arrosée et le plateau sec, entre une histoire séculaire et une histoire presque cinquantenaire...

Brasília, l’étonnante capitale fédérale digne d’un grand Brésil, tournée volontairement vers le futur et, ce n’est pas le moindre paradoxe, déjà pleine d’histoire, une histoire fantastique, quasi légendaire. Quelle ville peut en effet révéler avec autant de précision ses origines et nous dévoiler sa genèse ?! Toutes les visites que nous avons faites nous ont transmis les échos encore vivants du climat qui a présidé à cette naissance capitale pour le Brésil, nous avons ressenti cette heureuse effervescence pleine d’énergique espérance dans un avenir plus juste qu’on attend, certainement avec trop d’impatience, pour ce jeune Brésil.

Après d’importantes visites à caractère officiel au Ministère de l’Éducation, à l’Université de Brasília, sur le thème du portugais langue étrangère, nous avons assisté à une soirée au « Clube do Choro » au cours de laquelle nous avons eu le privilège d’écouter un concert de Wagner Tiso, musicien et compositeur brésilien de renommée internationale, dont l’œuvre se situe aux confins de la MPB, du jazz et de la musique classique. C’est également pendant ce dîner-concert que nous avons rencontré notre guide, Arlette Espinosa, qui nous fera découvrir avec passion bien des aspects cachés de Brasília.

Nous avons passé les deux jours suivants à parcourir la ville et les alentours. À Brasília, presque toutes les constructions méritent d’être visitées, que ce soient les blocs résidentiels, appelés « superquadras », les églises, Dom Bosco, « a Igrejinha », la cathédrale vraiment impressionnante tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, la pyramide du temple de la paix, « Templo da Paz ou da Boa Vontade », très fréquenté à Brasília, connu dans tout le Brésil. Nous avons bien entendu accordé une attention toute particulière au palais de l’« Itamaraty », le « Quai d’Orsay » brésilien, à la place des trois pouvoirs, à l’extraordinaire « Congresso », au mémorial J.K. (Juscelino Kubitschek, président très populaire, idéalisé, père de Brasília avec les architectes Oscar Niemeyer et Lúcio Costa, c’est un peu le John Kennedy du Brésil), au fantastique pont du même nom, à la tour de TV devenu belvédère exceptionnel, au « Palácio da Alvorada », le palais présidentiel...

Sortant un peu de la ville, nous avons visité le musée de la mémoire « candanga », les « Candangos » étant ces travailleurs venus souvent du Nordeste pour édifier en un temps record la capitale futuriste, ainsi qu’une des villes satellites, « Núcleo Bandeirante » formée comme les autres pour accueillir les travailleurs provisoirement, le temps des travaux mais qui sont finalement restés sur place.

Nous avons enfin effectué une visite très intéressante dans une pépinière municipale dont les productions sont entre autres destinées à fleurir les ronds-points de Brasília et qui s’attache à former de nombreux jeunes de milieux défavorisés, en rupture de scolarisation voire de socialisation, sous la direction d’un jeune technicien qui nous a décrit avec passion son travail tant au niveau des plantes que des jeunes qu’il forme.

Cet indispensable passage par Brasília boucle magistralement notre circuit brésilien dans la mesure où cette nouvelle capitale concrétise (« concreto » signifie ciment au Brésil) le formidable élan économique, social et culturel qui a vu le jour au milieu des années 50. Cet élan a été politiquement symbolisé par Juscelino Kubitschek et culturellement cristallisé par le créatif mouvement Bossa Nova d’origine carioque dont les deux plus illustres représentants et comparses, Tom Jobim et Vinícius de Moraes, venaient régulièrement sur le site de la future capitale et où ils composèrent, au pied de la source du Catetinho, résidence de J.K. lors de la construction de Brasília, la célébrissime « Água de Beber ».

Aujourd’hui, la source coule toujours fraîche et tranquille...

De cette nouvelle et heureuse édition du stage au Brésil, remontent quelques impressions générales comme ce patriotisme brésilien, ce puissant sentiment d’appartenance à une communauté qui, malgré son immensité et sa diversité, constitue un ensemble culturel dont les référents jouissent d’une diffusion relativement homogène. Citons notamment, en dehors du football, la capoeira, le berimbau, la samba, le forró, le baião, les « repentistas », iemanjá, la Bossa Nova, les couleurs du drapeau brésilien très utilisées... pour ne parler que des plus repérables par un étranger.

D’un bout à l’autre de notre périple, nous avons découvert ou redécouvert un Brésil foisonnant de ressources, aux potentialités aussi démesurées que le barrage d’Itaipu, un Brésil qui étonne par ses contrastes sociaux mais dont les initiatives diverses, à tous les niveaux de la société, donne l’espoir d’un avenir plus juste et plus harmonieux.

ADEPBA.FR